Entrepreneuriat : un pari risqué en cas de handicap?

75 000 entrepreneurs sont handicapés. Une alternative au salariat enrichissante mais semée d'embûches pour nombre d'entre eux qui déplorent un manque d'accompagnement et des revenus insuffisants. Une étude dévoile des pistes d'amélioration.

 

8 % des bénéficiaires de l'obligation d'emploi sont des travailleurs handicapés indépendants (TIH), motivés par l'envie d'être leur propre patron et d'allier travail, autonomie et plaisir. Le hic ? 71 % d'entre eux ne peuvent pas vivre de leur activité, déclarant majoritairement un chiffre d'affaires (CA) inférieur à 20 000 euros tandis que, pour 76 % de l'ensemble des travailleurs indépendants, il est inférieur à 70 000 euros. Leur revenu annuel moyen ? 23 740 euros. Résultat, un TIH sur dix cumule une autre activité pour « compenser ». Note positive : « il augmente avec l'ancienneté de l'entreprise », révèle une enquête réalisée par le bureau d'études émiCité pour la Fondation Malakoff Humanis handicap, entre le 2 mars et le 16 avril 2020 auprès de 390 TIH (lien ci-dessous). Objectif ? Valoriser l'entreprenariat des personnes en situation de handicap et en faciliter l'accès mais aussi fournir des points de repère « plus justes et précis » aux différents professionnels de l'accompagnement.

Un atout commercial ?

Les TIH sont majoritairement d'anciens actifs de plus de 40 ans. Avant de créer leur entreprise, 64 % d'entre eux étaient en activité, dont 42 % en CDI. Près d'un tiers avaient déjà expérimenté l'entrepreneuriat et neuf répondants sur dix étaient déjà en situation de handicap. L'étude pointe également une surreprésentation de personnes diplômées (84 % contre 42,7 % pour le reste de la population). Pour nombre d'entre eux, la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) représente un « avantage commercial ». « Ce qui était pour moi à la base un frein, ou en tout cas quelque chose que je devais cacher, est devenu un véritable atout concurrentiel », témoigne l'un d'eux. A contrario, 25 % ne souhaitent pas obtenir la RQTH par peur d'être stigmatisés ou perçus comme « moins compétents » et de rendre leur « handicap encore plus visible », « de l'officialiser ».

La microentreprise a le vent en poupe

Les secteurs les plus populaires auprès des TIH ? Celui de la santé et de l'action sociale -qui n'arrive qu'en troisième position pour les autres entrepreneurs-, suivi de l'information et la communication, le commerce et les activités de service administratifs ou de soutien. A noter que 36 % ont créé une activité en lien avec le handicap. « J'ai fait de mon tabou de vie mon atout professionnel. C'est ma signature », explique une conférencière « dys » qui intervient sur les handicaps invisibles. Autre constat : 55 % des sociétés dirigées par un TIH sont des microentreprises. Sa valeur ajoutée ? Un statut « souple » qui représente parfois le premier palier de l'entreprenariat. « C'était pour moi une façon de tester mon activité sans prendre de risque, explique un 'handipreneur'. Je n'avais pas envie de gérer les aspects juridiques et comptables. » La microentreprise est le statut privilégié des entreprises en création et, parce qu'elle est soumise à un plafond, de celles ayant un chiffre d'affaires inférieur à 176 200 euros pour une activité commerciale et 72 500 euros pour des prestations de service.

Le handicap, à la fois force et frein

Si le handicap a principalement, selon les TIH interrogés, un impact positif sur la vie d'entrepreneur, constituant une « richesse », une « force » et une « source de motivation », il peut également devenir un frein. Ils relatent principalement des problèmes liés à la prospection commerciale et d'accessibilité notamment quand il s'agit de se rendre chez des clients, d'image, de rythme et de fatigue accrue. « Le spectre du handicap plane toujours. Dès qu'il y a le moindre pépin, on met la faute sur cela », déplore l'une d'eux. Principales difficultés rencontrées ? La complexité des procédures administratives, la solitude et le suivi médical qui nécessite des absences régulières. « Les besoins quotidiens de compensation du handicap (aides technique ou humaine) et en équipements sont les premiers besoins exprimés par les TIH pour répondre à leurs difficultés », indiquent les auteurs de l'enquête. Malgré cet accompagnement, la moitié d'entre eux ont été contraints de cesser leur activité principalement en raison d'une baisse d'activité ou d'un problème de santé.

Renforcer l'accompagnement

La clé pour changer la donne ? Un meilleur accompagnement, qui a péché pour la moitié des sondés. 29 % affirment même ne pas en avoir bénéficié lors de la création de leur entreprise et 45 % lors de la conception du plan de financement initial. Principaux obstacles aux dispositifs de soutien ? Leur centralisation (situés, bien souvent, à Paris), le manque de connaissance et de visibilité des différents acteurs, l'obtention d'une réponse inadaptée au regard du projet ou encore le manque de réactivité. « C'est un parcours du combattant pour obtenir des informations, il faut vraiment être très motivé et persévérant », déplore l'un des sondés. Face à ce constat, cinq pistes d'amélioration sont évoquées : rendre plus visibles les réseaux existants d'accompagnement des entrepreneurs, renforcer et amplifier l'animation du réseau de TIH, continuer à simplifier leur parcours, sensibiliser les différentes parties prenantes et rendre les dispositifs de soutien « plus inclusifs, accessibles et réactifs » mais également en développer qui répondent davantage aux spécificités de ce public.

D'autres inititiatives existent déjà qui entendent promouvoir ces parcours atypiques ; c'est notamment le cas de l'association H'up, partenaire de cette enquête, qui a dévoilé le 17 décembre 2020 le nom des six lauréats de ses 3è Trophées (article en lien ci-dessous). Des histoires exemplaires et des réussites inspirantes…

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