La Caf de Jean-Pierre a décidé de lui accorder à nouveau le complément de ressources qu'elle lui avait supprimé en novembre 2019
La Caisse d’allocations familiales de Haute-Saône a reconnu qu’elle n’avait pas le droit de suspendre le complément de ressources d’un allocataire au motif que son AAH ne lui serait pas attribuée en appoint de sa pension d’invalidité mais des ressources de son couple. Elle appuie sa décision sur un arrêt de la cour d’appel de Rennes.
C’est une bonne nouvelle à 21 480 € pour Jean-Pierre (*). Et une lueur d’espoir pour les personnes handicapées dans la même situation que lui.
Fin mai, sa Caisse d’allocations familiales (Caf), en Haute-Saône, a reconnu s’être trompée. Elle a décidé de lui accorder à nouveau le complément de ressources, qu’elle lui avait supprimé en novembre 2019 au motif qu’il touchait l’AAH couple et non une AAH pension.
Deux méthodes de calcul différentes
Pour les pensionnés d’invalidité, comme Jean-Pierre, la Caf procède en effet de deux manières différentes pour déterminer le montant de leur AAH différentielle.
Première méthode : elle additionne les ressources du conjoint à la pension. Applique les abattements habituels. Et soustrait ce montant au plafond applicable à un couple (1 633 €/mois). Dans le cas de Jean-Pierre, cela donne une AAH différentielle de 208 €. Appelons-la AAH couple.
Seconde méthode : elle prend uniquement en compte la pension. Applique les abattements habituels. Et soustrait cette base au plafond applicable à une personne seule (902,7 € par mois). Dans le cas présent, elle obtient alors une AAH de 212,39 €. Donnons lui le nom d’AAH pension.
La Caf retient le montant le moins élevé
Et quel montant retient-elle ? Le moins élevé ! Donc 208 €, montant obtenu en tenant compte des ressources du conjoint (l’AAH couple). Or, jusqu’à présent, le montant le moins élevé, pour Jean-Pierre, était celui calculé sur la base de sa seule pension (l’AAH pension).
Un raisonnement cynique
Pour la Caf, il ne touchait donc plus une AAH en complément de sa pension, mais une AAH couple. Et, par conséquent, ne remplissait plus l’une des conditions ouvrant droit au complément de ressources. À savoir, percevoir l’AAH à taux plein ou en complément d’une retraite, d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’accident du travail.
Un recours basé sur un jugement
En février 2020, Jean-Pierre et Béatrice (*), son épouse, avaient contesté cette décision en se basant sur un jugement précédent. Linda Aouar, alors conseillère affaires juridiques d’APF France handicap, devenue depuis avocate spécialisée sur le handicap, avait exhumé cet arrêt de la cour d’appel de Rennes du 19 décembre 2012.
« Mme C. est bénéficiaire d’une AAH qui vient en complément du montant de sa pension d’invalidité, sans que le fait qu’elle perçoive une AAH réduite en raison de ses ressources ne puisse être retenu pour écarter le droit à complément de ressources », notaient les magistrats.
C’est au « vu de cet arrêt », que la directrice de la Caf a décidé « la régularisation » des droits de Jean-Pierre au complément à compter de novembre 2019, indique-t-elle dans le courrier qu’elle lui a adressé fin mai.
Les allocataires de l’AAH confrontés à une décision du même type de leur Caf pourront donc utilement faire valoir le jugement de la cour d’appel de Rennes.
Complément de ressources maintenu sous réserve de ne pas le perdre
Ce revirement est d’autant plus important pour Jean-Pierre que le complément de ressources a disparu le 1er décembre 2019… sauf pour ceux qui le touchaient à cette date. Eux y auront encore droit pendant dix années sous réserve de continuer à remplir les conditions d’éligibilité.
Et comme Faire-face.fr l’a expliqué dans un précédent article, s’ils le perdent, ne serait-ce qu’un mois, ils ne pourront plus le récupérer.
179 € par mois pendant dix ans
Si Jean-Pierre n’avait pas été régularisé, il aurait donc perdu le complément pour les dix années à venir. Un manque à gagner de 179 € par mois pendant 120 mois. Soit la modique somme de 21 480 €…
(*) Les prénoms ont été modifiés