Confinement : quel impact sur les travailleurs handicapés ?

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Quel impact le confinement a-t-il eu sur le quotidien, notamment professionnel, des personnes handicapées ? Plus de 4 000 d'entre elles ont répondu à une étude. Constat : malgré une grande capacité d'adaptation, les sondés ont peur de l'avenir...

 

60 % des personnes en situation de handicap déclarent avoir bien vécu le confinement au sein de leur foyer, contre 73 % pour la population générale. A l'inverse, 40 % l'ont mal vécu, notamment en cas de handicap mental, polyhandicap, troubles autistiques ou de chômage. Ces résultats sont issus de la consultation menée par l'Agefiph (fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le privé) et l'Ifop pour comprendre l'impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 sur le quotidien, notamment professionnel, des personnes handicapées. 4 406 personnes ont répondu à cette enquête, du 7 au 15 mai 2020, via un questionnaire en ligne. Un « taux de retours particulièrement élevé », selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. « J'ai très rarement vu ça ! », annonce-t-il en préambule.

Fragilisation économique préjudiciable

Les principaux effets du confinement sur les personnes handicapées ? Plus d'anxiété et de nervosité (dans 67 % des cas, contre 41 % pour le grand public), des épisodes dépressifs (56 % contre 11 %) et une perte de motivation sur le plan professionnel. « A noter que l'étude qui concerne la dépression de la population générale a été réalisée en mars, au début du confinement », tient à nuancer Frédéric Dabi. Pour les accompagner durant cette période angoissante, l'Agefiph a notamment mis en place une cellule téléphonique d'écoute et de soutien psychologique. « Nous avons très vite senti ce besoin d'accompagnement qui se confirme avec cette étude », affirme Malika Bouchehioua, sa présidente. Autre répercussion : une fragilisation économique. 62 % des répondants s'en sortent difficilement avec les revenus de leur foyer, un chiffre qui grimpe à 77 % pour les chômeurs et les indépendants. Pour 56 % d'entre eux, ces difficultés financières sont liées au confinement, contre 32 % de la population générale. « Les personnes handicapées sont bien plus touchées par le chômage et ont, pour la plupart, des revenus nettement inférieurs », commente Frédéric Dabi. A ce titre, Malika Bouchehioua appelle à une « extrême vigilance et à un soutien massif car l'aspect économique renforce l'exclusion et la fragilité ».

Accompagnement des entreprises hétérogène

Quid des attentes et du regard sur leur situation professionnelle ? Plus de la moitié d'entre elles ont poursuivi leur activité professionnelle, dont 35 % en télétravail, soit treize points de plus que la population générale. Pourquoi un tel écart ? « Cette solution résout notamment une série de problèmes d'accessibilité que peuvent rencontrer les travailleurs handicapés », répond Frédéric Dabi. La moitié des sondés affirment que leur handicap a été pris en compte par leur employeur au moment de déterminer les modalités de l'exercice professionnel, ce qui révèle un accompagnement relativement hétérogène. De même, 54 % affirment que leur entreprise n'a pas aménagé leurs conditions de travail à leur domicile dès le début du confinement. « On ne peut pas se glorifier de ce chiffre mais il faut rappeler le contexte, avant le 16 mars, personne ne s'attendait à être confiné », estime Malika Bouchehouia. Selon elle, la réaction des entreprises semble donc « assez satisfaisante dans ce contexte d'incertitude ». « Mais il faut progresser !, exhorte-t-elle. Il nous appartient, à nous aussi, d'être agiles et d'accompagner les employeurs pour proposer un aménagement complet à tous les salariés. » Pour 38 % des sondés, cette absence d'aménagement a occasionné des difficultés mais ils ont pu poursuivre leur activité. « Une inspiration à l'inclusion et notamment par l'emploi », souligne Frédéric Dabi. « Même en période de crise c'est possible ! », se félicite Malika Bouchehioua, saluant « la capacité d'adaptation » des personnes handicapées. D'autre part, un peu plus de la moitié estime avoir été plus productive que d'ordinaire tout en ayant plus de facilités à se concentrer.

Peu de confiance envers les pouvoirs publics

En revanche, 68 % se disent pessimistes quant à la possibilité de (re)trouver un emploi dans les trois prochains mois. A la sortie du confinement, 57 % souhaiteraient changer leurs modalités d'exercice professionnel, avec des jours de chômage partiel ou du télétravail. « Le télétravailleur n'est plus perçu comme un glandeur ou un tire-au-flanc », constate Frédéric Dabi qui se félicite que cette « vision passéiste s'estompe ». Toutefois, « le basculement vers la fin du bureau physique ne concerne qu'un quart des personnes handicapées », précise-t-il. En cause, notamment ? Un risque d'isolement social. Par ailleurs, plus de trois-quarts d'entre elles font confiance à leur employeur et aux services de santé au travail pour les protéger contre le coronavirus lors de la reprise de leur activité mais ce chiffre tombe à 46 % lorsqu'il s'agit des pouvoirs publics. « Le confinement a accéléré toute une série d'inégalités et de divergences mais, sur le plan du travail, il n'y a pas de fracture avec la totalité des Français », résume Frédéric Dabi.

Maintien en emploi : prolongation de 10 mesures

Enfin, selon cette étude, les personnes handicapées sont principalement inquiètes à l'idée d'attraper le Covid-19, de voir leurs conditions de travail se dégrader, d'être davantage isolées et de perdre leur emploi, notamment pour celles travaillant dans les domaines du commerce et des services. « L'avenir est propice à l'inquiétude de la grande majorité des Français en cette période entre chien et loup, entre confinement et déconfinement », conclut Frédéric Dabi. Face à ce constat, Malika Bouchehioua appelle à la mobilisation : « Nous devons étudier ensemble, avec tout l'écosystème dédié, les mesures à prendre pour assurer une égalité des chances et favoriser le maintien dans l'emploi ». Elles viendront renforcer les dix mesures exceptionnelles mises en place par l'Agefiph, le 6 avril, avec l'ambition de « répondre aux besoins urgents qui s'expriment au sein des territoires » en période de confinement (article en lien ci-dessous). D'un montant de 23 millions d'euros, elles sont valables rétroactivement à compter du 13 mars 2020 et jusqu'au 30 septembre, ou 31 décembre pour les entrepreneurs handicapés.

De plus, l'Agefiph engage un programme complémentaire pour soutenir l'apprentissage et l'alternance des personnes en situation de handicap. A partir de mi-juin, une nouvelle aide sera proposée aux employeurs pour sécuriser le parcours des apprentis dans les TPE/PME (de moins de 250 salariés). De même, les primes pour aider à la conclusion de contrats d'apprentissage ou de professionnalisation sont revalorisées de 1 000 euros. L'objectif : « soutenir les employeurs pour éviter des ruptures de contrats ».

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