Intégration du handicap en entreprise : l'Europe à la traîne

Illustration article

Quelle place pour le handicap dans les entreprises européennes ? Pour y répondre, une mutuelle a interrogé les 600 plus grandes. Des implications, de la volonté, de la sensibilisation mais des résultats en demi-teinte.

 

En France, le handicap est la première cause de discrimination, principalement dans l'emploi (article en lien ci-dessous) tandis que le taux de chômage des personnes handicapées a atteint 16 % en 2019. Même s'il est légèrement en baisse (-1 point), il reste toutefois deux fois plus élevé que la population générale. Bilan pas très réjouissant. Mais qu'en est-il de cette intégration dans le reste de l'Europe ? Les Stoxx 600, c'est-à-dire les 600 plus grandes sociétés cotées européennes, ont été sollicitées lors d'une enquête menée par la Mutuelle Intégrance (réalisée par OFI AM). Objectif ? Dresser un état des lieux, sensibiliser les employeurs et améliorer les pratiques.

Les trois quarts en action

Parmi les 72 d'entre elles qui ont répondu, soit 12 %, issues de 16 pays différents, près de trois quarts affirment mener des actions pour favoriser le recrutement de salariés en situation de handicap, dont 42 de manière systématique. A noter que la majorité sont soumises à une législation leur imposant des quotas. Ces actions prennent des formes variées : formation des recruteurs, ajout d'une mention sur les offres d'emploi montrant la compatibilité en cas de handicap, révision de la politique et des pratiques de recrutement par un cabinet de conseil spécialisé pour s'assurer d'un process « handi-accueillant », mise à disposition d'outils dans le process de recrutement (supports en braille, logiciels parlants ou encore interprètes en langue des signes), adaptation des postes et/ou emploi accompagné, collaboration avec des associations ou institutions, participation à des salons de recrutement dédiés au handicap, etc. De même, 78 % des répondants assurent proposer des dispositifs pour favoriser le maintien en emploi : séances de coaching, accompagnement sur le plan de carrière, adaptation des horaires et du temps de travail, mise à disposition d'outils adaptés ou encore télétravail.

Encore peu de travailleurs handicapés...

Pourtant, deux tiers des sociétés présentent des taux de salariés en situation de handicap compris entre 1 % et 5 %, la médiane se situant à 2,8 %. Le seuil de 6 %, imposé par la législation française, n'est atteint que par 9 % d'entre elles. A l'inverse, 18 % affichent des taux inférieurs à 1 %. Concernant la part des travailleurs handicapés parmi les cadres ou le management, l'échantillon étant très réduit (17 réponses), aucune conclusion définitive ne peut être tirée. Les données transmises traduisent néanmoins des taux particulièrement faibles, avec une médiane de 0,5 %. Autre résultat insatisfaisant : seule la moitié d'entre elles connaissent des normes ou recommandations en matière d'accueil de salariés en handicapés en entreprise, ce qui met en lumière un manque encore important de sensibilisation sur le sujet.

... malgré une sensibilisation importante

A ce propos, 69 % des entreprises déclarent mener des actions de formation ou de sensibilisation, démarche la plus utilisée pour aborder la question du handicap. Exemples d'actions citées : mise en place de campagnes de communication sur les enjeux liés au handicap sur le site intranet, organisation d'un mois dédié ponctué d'événements ou encore partenariats permettant aux salariés de constituer des équipes mixtes composées de personnes handicapées et valides. Plus de 40 % des entreprises organisent, par ailleurs, des conférences ou des événements lors de la Journée mondiale des personnes en situation de handicap ou de la Semaine européenne pour l'emploi (SEEPH).

Sous-traitance : une opportunité économique

Concernant les fournisseurs, 56 % des répondants s'approvisionnent au moins ponctuellement chez des prestataires employant une majorité de personnes en situation de handicap. Un chiffre « encourageant », selon les auteurs de l'étude, qui soulignent tout de même des politiques nationales « incitatives » permettant par exemple aux entreprises qui sous-traitent au secteur protégé et adapté, comme les établissements et services et d'aides par le travail (ESAT), en France, des réductions de quotas ou de contributions financières. Enfin, moins de la moitié des entreprises considèrent les personnes en situation de handicap comme une opportunité de marché et adaptent leurs produits et services à ce public. Selon la Mutuelle Intégrance, des progrès restent encore à fournir pour éviter les « pertes d'opportunité internes mais aussi en matière de marché, trop souvent négligées ».

Pas d'incidence sur la performance économique

« Certains pourraient critiquer l'incitation à l'emploi direct ou indirect des travailleurs handicapés au motif qu'elle risquerait d'affaiblir la compétitivité des entreprises. Il n'en est rien », déclare de son côté France Stratégie, institution rattachée au Premier ministre, qui a notamment pour mission d'évaluer les politiques publiques. Elle est à l'origine d'une autre enquête sur le sujet, qui livre ses résultats au même moment. Pour résumer, ils montrent que l'augmentation de l'effort consenti pour embaucher des travailleurs handicapés ne pénalise pas la performance économique et financière des entreprises. « Par ailleurs, le salaire par tête est légèrement plus élevé dans les entreprises qui font le plus d'efforts pour les recruter, ce que l'on peut interpréter comme traduisant une meilleure performance organisationnelle et sociale », ajoute les auteurs de l'étude. Un message positif, selon eux, en faveur de la lutte contre les stéréotypes à l'encontre des personnes handicapées qui devrait encourager les entreprises à poursuivre leurs efforts d'inclusion.

Les commentaires sont fermés.