Bac 2021 : Joséphine, autiste, dénonce une discrimination

Parce qu'elle est dans un lycée hors contrat, Joséphine, 16 ans, autiste, ne pourra pas bénéficier des épreuves en contrôle continu au Bac comme ses camarades du public. Perturbée par une année compliquée, elle dénonce une nouvelle discrimination.

 

En 2021, pour répondre à la crise sanitaire, les lycéens passeront leur Bac presque exclusivement en contrôle continu pour la deuxième année consécutive, avec seulement 15 % d'épreuves en contrôle final (philosophie et grand oral). Mais pas tous ! Les élèves des lycées privés hors contrats, c'est à dire qui n'ont pas passé de convention avec l'Etat, devront en effet plancher sur leur copie en présentiel, avec une dizaine d'épreuves en contrôle final, soit 85 % des matières.  Cette « inégalité de traitement », jugée arbitraire, a suscité un tôlé de leur part, d'autant qu'en 2020, pour parer au Covid, aucun distinguo n'avait été fait.        

Joséphine, autiste, en colère

Joséphine est l'une de ces élèves en colère. Elle ne rentre pas dans les cases, elle est autiste. Inquiet des mesures annoncées pour cette promo 2021, son père a adressé une lettre au gouvernement il y a deux mois. Pas de réponse. Cette jeune fille de 16 ans a donc décidé de prendre à son tour la plume pour lancer un « cri de détresse » aux ministres sur sa situation, identique à celle d'autres élèves en situation de handicap. Pour elle, le hors-contrat n'était pas un choix. En grandissant, elle a souffert de certaines contraintes imposées par le système « ordinaire », la poussant souvent vers la sortie, allant jusqu'à parler de « traumatisme ». Alors que l'un de ses frères, également autiste, a dû se résoudre à suivre les cours à distance du CNED réglementé, faute de solution, Joséphine, malgré le « sacrifice financier » imposé à ses parents, a pu opter pour un système alternatif. Depuis cinq ans, elle est scolarisée au sein de l'école Diagonale qui, à Paris, accueille des élèves sport ou art-études, Joséphine pratiquant elle-même la GRS (gymnastique rythmique et sportive) afin de compenser ses difficultés psychomotrices.  Le fonctionnement de cet établissement est « tout à fait classique », selon Anne, sa maman : programme de l'Education nationale, bulletins de notes et taux de réussite au Bac de 97% en 2019, avec l'avantage de petits effectifs, moins de 15 élèves par classe, et d'horaires aménagés qui conviennent à Joséphine mais également à d'autres jeunes en situation de handicap (notamment avec des troubles dys) nombreux dans sur ces bancs.

Un bac à 2 vitesses

Cette brillante élève, en avance, dénonce donc l'injustice de ce «  bac à deux vitesses », redoutant d'échouer pour plusieurs raisons… « Joséphine a déjà vécu une année vraiment dévastatrice pour une jeune fille autiste qui a besoin de repères », poursuit Anne, son handicap « diminuant de manière drastique ses capacités d'adaptation aux situations changeantes ». Plus de trois mois en visio-conférence et pas le moindre cours de sport alors qu'elle doit être évaluée dans quelques semaines sur du… ping-pong alors qu'elle assure « n'avoir jamais tenu une raquette ». A cela s'ajoute, l'incertitude sur le déroulement des épreuves prévues « sur un mois et demi à partir de mi-mai ». « Trop flou », selon cette maman, toujours en attente de précisions fin avril. Sans convocation, difficile de prévoir les aménagements, de recruter des secrétaires pour assister la jeune fille, à la charge des parents. Par ailleurs, avec les contraintes du confinement et de l'enseignement à distance, seul 50 % du programme a été abordé ; Joséphine redoute donc d'être évaluée sur des thèmes qu'elle ne connaît pas. « Un stress en plus », selon Anne. Dans sa lettre, Joséphine dit se sentir « invisible », « blessée » et « choquée par le mépris affiché par les dirigeants politiques », les invitant à « la rencontrer ». « Je m'appelle Joséphine, je serai un jour adulte, et je ne veux pas un beau matin me réveiller sans aucune confiance dans le système français, en redoutant de nouvelles exclusions », conclut sa lettre.

Freiner les dérives sectaires

1 500 écoles hors contrat sont recensées en France, dont 70% sont laïques, parfois bilingues, les autres étant confessionnelles. 73 000 élèves seraient ainsi scolarisés dans le primaire et le secondaire. Ce courant alternatif confirme son succès depuis plus de dix ans. Le tour de vis du gouvernement vise-t-il à resserrer l'étau pour éviter toute dérive sectaire ou religieuse ? C'est déjà dans cette optique qu'il tente début 2021 de limiter les conditions d'accès de l'instruction à domicile (article en lien ci-dessous). Dans les deux cas, si la chasse aux extrémismes peut sembler légitime, elle impacte certains publics qui ont parfois atterri dans le privé hors contrat faute de mieux. Et c'est souvent le cas de ces élèves en situation de handicap qui ne parviennent pas à trouver leur place dans le système ordinaire. Même s'ils y sont inscrits « administrativement », de nombreux parents, déplorent des obstacles insurmontables (absence d'accompagnant de vie scolaire, inadaptation des locaux…), notamment à la sortie du primaire et du collège, qui les contraignent à opter pour des solutions « hors radars » de l'Education nationale.

Des écoles créées par les parents

Certains vont même jusqu'à créer leur propre école, avec des effectifs souvent réduits afin de faciliter les apprentissages. Cette situation souvent inextricable concerne, notamment, les enfants autistes, comme Joséphine. Olivia Marchal les accueille au sein de Tournesol, ainsi que d'autres avec trisomie ou atteints de maladies rares ; seule une de ses classes est sous contrat (le système le permet). En 2019, elle a créé la Fédération nationale des écoles adaptées (article en lien ci-dessous). « A quoi bon ? », lui a répondu le ministère de l'Education nationale au motif que tous ces enfants sont les bienvenus dans l'école de la République, reprochant aux parents de ne pas « vouloir entrer dans le système ». Une réponse qui la met « très en colère » lorsqu'elle évoque les chiffres de l'Unapei : 80 % des enfants autistes ne seraient pas scolarisés. Ceux de Tournesol ne savent pour la plupart ni lire ni écrire… La scolarisation en Ulis, une « très bonne chose dans le principe », selon Olivia Marchal, n'est pas faite pour eux. Elle déplore par ailleurs un « abaissement de la limite d'âge où la scolarité devient problématique ». « Avant, c'était plutôt en fin de collège qu'il n'y avait plus de solutions. Les non lecteurs étaient expulsés à l'âge légal, seize ans. Aujourd'hui, certains le sont dès la fin du primaire, à douze ans », explique-t-elle. Quelle autre issue, alors, que le hors contrat ?

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