Migraine : un handicap en mal de reconnaissance

Coup de marteau, douleur lancinante... La migraine ne fait pas simplement mal, elle paralyse. Cette maladie neurologique, aux effets largement sous-estimés, impacte la vie socioprofessionnelle de 7 millions de Français. Un handicap rarement reconnu.

 

Dernière minute du 24 février 2021
Pour réclamer le remboursement des anticorps anti-CGRP aux patients atteints de migraine sévère (8 jours par mois ou plus) et réfractaire (non améliorée par au moins deux traitements préventifs bien conduits), la Société française d'étude des migraines et céphalées (SFEMC) lance une pétition sur Change.org, qu'elle adresse à Olivier Véran, ministre de la Santé, et Emmanuel Macron.

 

 

Article initial du 5 octobre 2020
« Vous pensez que la migraine c'est juste un mal de tête ? Je suppose qu'un tsunami c'est juste une grosse vague ! », raille La voix des migraineux. « Coup de marteau », « poignard », « pic à glace »... Des images éloquentes pour tenter de définir les manifestations de cette maladie neurologique qui concerne environ 7 millions de Français. En tête de liste ? Les femmes, trois fois plus touchées que les hommes. Ce qui lui vaut bien souvent d'être considérée comme un simple « mal de tête », « une maladie de bonne femme ». De nombreux hommes, conditionnés à ne pas pleurer ni se plaindre, passent alors entre les mailles du filet, privés d'une prise en charge adaptée. Résultat : un isolement et une errance diagnostique accrus qui conduisent parfois à la dépression... « J'ai dû consulter tous les médecins de la région pour que l'un d'eux daigne enfin appeler ça une 'migraine', témoigne Stéphane. Pour les autres, ce n'était 'rien de grave', ils mettaient ça sur le dos du Walkman ou du stress. »

Des symptômes violents

« 15 % des personnes atteintes de migraine chronique ont déjà songé au suicide », révèle un sondage alarmant réalisé en mars 2020 par La voix des migraineux. Sur 660 répondants, un premier tiers fait état de 4 à 8 jours de crise par mois (migraineux légers), un second de 8 à 14 jours (migraineux sévères), tandis que les autres la subissent durant la moitié du mois ou plus (migraineux chroniques). Cela se manifeste par des maux de tête pulsatiles, qui s'accompagnent notamment d'un engourdissement d'une partie du visage, d'une intolérance au bruit ou à la lumière et parfois de nausées et d'une incapacité totale à effectuer la moindre tâche. Chez certaines personnes, la crise, également appelée céphalée, est précédée d'une aura qui se caractérise par des troubles visuels, verbaux et/ou moteurs pouvant aller jusqu'à une aphasie ou une paralysie temporaire.

Une maladie qui gâche la vie

Première conséquence directe : un moral en berne. Seuls 14 % des sondés déclarent « arriver à positiver et à profiter des bons moments la plupart du temps », tandis que plus d'un tiers s'avouent parfois « découragés ». Pire, près de la moitié estime que la migraine leur gâche la vie. « La plupart de ceux qui en souffrent depuis l'enfance et ont appris à les gérer, arrive plus souvent à profiter des petites joies de la vie même avec une dizaine de crises par mois, notamment grâce à un traitement précoce », observe l'association. Pour 25 % d'entre eux, en revanche, les crises ont frappé leur scolarité puis leur vie professionnelle de plein fouet. « Au mieux, ils rencontrent de grandes difficultés à trouver un emploi, au pire, ils n'ont jamais pu en exercer un », déplore l'association.

Pour une reconnaissance en tant que handicap

Seuls 56 % des répondants occupent un emploi, ponctué par des absences régulières pour la grande majorité, tandis que 13 % affirment ne plus travailler en raison de leur maladie. Dans ce cas, seule solution pour obtenir une indépendance financière : obtenir la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), pour bénéficier d'aides spécifiques, ou l'Allocation adulte handicapé (AAH) auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Encore faut-il que la migraine chronique soit reconnue comme tel... C'est le cheval de bataille de La voix des migraineux. « Qu'attend-on pour leur faciliter l'accès à l'emploi, pour étudier des dispositifs adaptés et en particulier une flexibilité dans les horaires et des aménagements de poste ? », interpelle l'association, en faisant référence à un filtre anti-lumière bleue sur leur ordinateur, un poste de travail peu bruyant, peu lumineux, avec des stores à disposition. Pour l'heure, seuls 5,5 % des migraineux sont reconnus handicapés et 2,4 % « invalides ». « C'est loin d'être suffisant face à une pathologie classée parmi les trois plus invalidantes par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et la première pour les 18-50 ans », plaide sa présidente, Sabine Debremaeker.

Vie sociale, affective et familiale bouleversée

Sans parler des conséquences sur la vie sociale et familiale... Plus d'un tiers des personnes interrogées ont déjà renoncé à des activités ou sorties, tandis que 70 % confient avoir négligé l'entretien de leur logement et 58 % avoir été dans l'incapacité de préparer des repas équilibrés. En cause principalement ? Le manque de temps. « Les parents subissent la maladie et les enfants en paient le prix fort, déplore l'association. Quinze jours de migraine par mois, plus le temps de récupération, ça ne permet pas d'être en forme pour jouer avec eux. » D'autre part, seule la moitié estime avoir une vie de couple satisfaisante. Un tiers doit régulièrement annuler une virée en amoureux à cause de céphalées, tandis que 39 % constatent des effets négatifs sur leur sexualité. Autre chiffre frappant : 10 % vivent avec un conjoint qui leur fait régulièrement des reproches et ne croit pas à une véritable maladie neurologique. « Bien souvent, le conjoint se retrouve en position d'aidant et doit gérer, seul, tous les aspects du quotidien familial », pointent les auteurs de l'étude, avant de souligner que « parfois, il reste par culpabilité mais la relation n'est plus épanouissante et ne devient qu'un facteur aggravant de plus ».

Un esprit sain dans un corps sain ?

Par ailleurs, plus d'un tiers renoncent à conduire ou à se déplacer à cause de la migraine. Une « mesure de prudence » louable pour La voix des migraineux qui déplore cependant une limitation de leur autonomie. En outre, nombre de migraineux rencontrent des difficultés à pratiquer une activité physique de manière régulière alors que cela pourrait être bénéfique. En effet, adopter une hygiène de vie saine, avec un rythme de sommeil régulier, une alimentation équilibrée et un brin de sport permettrait de limiter les crises, contrairement au stress émotionnel, principal facteur déclencheur. Gare aux masques également ! Michel Dib, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, a récemment déclaré sur RTL, que ces protections, largement utilisées contre l'épidémie de Covid-19, peuvent également provoquer des crises migraineuses. Protéger ou se protéger ? Vaste débat...

 

Un traitement non disponible

Enfin, l'association s'inquiète du manque d'accès à de nouveaux traitements (anticorps ciblant le CGRP ou peptide relié au gène calcitonine) réellement destinés à la migraine, déjà prescrits par certains neurologues, et « dernier espoir pour les migraineux chroniques en échec thérapeutique ». Elle affirme que, « pour des raisons économiques, ils risquent de ne pas être disponibles sur le marché français, plongeant ainsi dans la détresse des migraineux sans alternative et sans soin ». Le 5 octobre, elle a adressé une lettre au ministre de la Santé,  Olivier Véran. Sans réponse à ce jour…

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