AAH, AEEH, PCH... Reconfinement oblige, les droits liés au handicap sont automatiquement maintenus jusqu'au 16 février 2021 promet le gouvernement. Sauf si la CDAPH en décide autrement. APF France handicap redoute des instructions dégradées...
En mars 2020, à l'entrée du premier confinement, le gouvernement annonçait que certains droits, par exemple l'Allocation adulte handicapé (AAH), l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), la Prestation de compensation du handicap (PCH) ou la Carte mobilité inclusion (CMI), qui arrivaient à échéance entre le 12 mars et le 31 juillet 2020, seraient prorogés de six mois, avec le maintien automatique du versement de ces aides (article en lien ci-dessous).
A un détail près…
Deuxième confinement et nouvelle annonce de Sophie Cluzel. Le 10 novembre 2020, la secrétaire d'Etat au Handicap réitère le renouvellement tacite des droits et prestations en cours, jusqu'au 16 février 2021 inclus (l'ordonnance est actuellement entre les mains du Conseil d'Etat), date jusqu'à laquelle l'état d'urgence sanitaire est pour le moment prorogé. A une différence près… « Sauf si la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) a pris une décision nouvelle lors de cette période de reconfinement. » Rappelons que, contrairement au mois de mars, les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) restent ouvertes, même si les modalités d'accueil, d'instruction et d'attribution des droits peuvent être adaptées selon la situation sanitaire de chaque territoire (article en lien ci-dessous).
Des instructions dégradées ?
Et c'est là que le bât risque de blesser, alerte Malika Boubékeur, conseillère nationale MDPH d'APF France handicap : « Les modalités de fonctionnement de ces CDAPH 'simplifiées' risquent d'entraîner des ruptures et/ou reculs de droits. » Selon elle, si la MDPH décide quand même de traiter un renouvellement durant cette période, elle le fera dans des « conditions dégradées » : réunion restreinte, en visio ou en semi présentiel, avec une représentation associative réduite. Elle redoute, « et c'est avéré », précise-t-elle, que les « informations données aux représentants associatifs soient incomplètes ou que les auditions des personnes ne soient pas ou peu permises et organisées ».
Déjà lors du 1er confinement
Ces craintes se basent sur les remontées terrain depuis mars 2020 car, malgré un premier confinement plus sévère, des CDAPH avaient continué à se réunir pour instruire certains droits qui arrivaient à échéance. Des allocataires ont ainsi vu, malheureusement, leurs droits supprimés, par exemple des AAH ou des compléments d'AEEH, ou renouvelés à la baisse, sans tenir compte du délai de prorogation automatique fixé par le gouvernement. « Nous avons reçu plusieurs dossiers de ce type, poursuit Malika Boubékeur. Les personnes ont engagé des recours lorsqu'elles avaient des accompagnements adaptés mais quid de celles qui étaient isolées ? Depuis plusieurs semaines, ce sont exactement ces mêmes inquiétudes que nous remontent les représentants associatifs en CDAPH. »
Gérer plutôt les urgences
APF France handicap encourage, durant cette période, à réserver les demandes instruites par les CDAPH aux situations d'urgence. Ce peut être, par exemple, l'ouverture de droits dans le cadre d'un besoin d'extension d'un PPC (Plan personnalisé de compensation) pour des causes liées à la crise sanitaire et au confinement, le besoin de répit des aidants ou encore la gestion des dossiers des personnes qui font leur demande pour la première fois… Interrogé sur cette situation par Handicap.fr, Dominique Lagrange, président de l'Association des directeurs de MDPH (ADMDPH), apporte sa réponse...
5 questions au président de l'association des MDPH
Handicap.fr : Qu'est-ce qui change par rapport au 1er confinement ?
Dominique Lagrange : Lors du premier confinement, c'est la décision de proroger automatiquement les droits qui l'emportait, ce qui n'est plus le cas. En revanche, comme lors de la « première vague », il est possible de mettre en place des commissions restreintes, voire même de déléguer les décisions au président de la CDAPH. Mais libre à chaque département de s'organiser, si tant est qu'il puisse le faire, encore plus favorablement. Certaines CDAPH se maintiennent en plénière (par visioconférence) ou en commissions restreintes, au moins pour les auditions. En outre, il convient de noter que le délai de deux mois pour déposer un recours est suspendu (il n'y a pas de date limite).
H.fr : En première instance, la commission peut donc statuer en l'absence de l'usager ?
DL : C'est en effet possible.
H.fr : Que faire si l'usager n'est pas d'accord avec la décision ? Et s'il avait souhaité être entendu ?
DL : Je vais donner l'exemple de la MDPH des Pyrénées-Atlantiques qui a mis en place une procédure contradictoire à posteriori. Plus concrètement, si l'usager n'est pas d'accord avec la décision et aurait souhaité être entendu, on ne considère pas sa demande comme un « recours » puisque la procédure habituelle n'a pas été vraiment respectée. La CDAPH réexamine donc sa décision en auditionnant la personne, en présentiel ou en visio.
H.fr : Mais cela ne s'applique pas dans toutes les MDPH ?
DL : Non car cette procédure est locale. Néanmoins, quelle que soit la MDPH, si un usager a manifesté son désir d'être entendu, il sera entendu ! Je ne pense pas qu'il y ait des MDPH qui ne répondent pas à ces demandes sauf celles qui pourraient se trouver en grande difficulté du fait de l'épidémie, avec des personnels malades ou vulnérables. Pour être en contact régulier avec mes collègues, je peux vous assurer que les directeurs ont la volonté d'être au plus proche des usagers et non d'aller à l'encontre de leurs intérêts, tout en trouvant le juste équilibre pour garantir la protection des personnels (dont beaucoup sont en situation de handicap).
H.fr : En résumé, que faire concrètement en cas de rejet ou suppression d'un droit durant la période de reconfinement ?
DL : Pour supprimer une AAH ou une AEEH, par exemple, il faut tout de même avoir de solides arguments... La CDAPH ne prend pas cette décision à la légère. Si une personne y est tout de même confrontée, elle peut faire un recours auprès de la commission. Mais, attention, comme le recours ne suspend pas la décision, les droits seront tout de même suspendus... On va peut-être être confronté à ce type de situations dans les semaines à venir donc à nous d'être attentifs.