Plongée dans l'art pour de jeunes handicapés : fascinant !

Permettre aux enfants éloignés de l'offre culturelle de se familiariser à l'art via le numérique, tel est l'enjeu du programme "Art en immersion". Au menu: ateliers créatifs adaptés et visite onirique à l'Atelier des lumières. Expérience saisissante!

 

Au cœur du 11e arrondissement de Paris, une ancienne fonderie a troqué le métal pour le digital. « Bienvenue à l'Atelier des lumières... » Atelier ? Le mot est faible, c'est une exposition immersive monumentale. Plongée sensorielle au début du siècle dernier dans 3,2,1...

Eloïse, Brahim et leurs camarades flirtent avec les toiles de Monet, Renoir, Chagall, Matisse... Une première pour ces onze jeunes handicapés moteurs de l'Institut d'éducation motrice (IEM) Michel Arthuis de Neuilly-sur-Seine, en banlieue parisienne. Ici, les enfants peuvent courir, danser, toucher et s'approprier les œuvres projetées sur les murs. Cette expérience numérique accessible à tous transporte, en une quarantaine de minutes, les jeunes visiteurs de l'Impressionnisme à l'art contemporain via 500 œuvres aux couleurs éclatantes. « Wow », lancent-ils, subjugués.

Art et numérique : une approche innovante...

Cette visite dans ce centre d'art numérique constitue le point d'orgue du programme éducatif « Art en immersion », lancé en 2018 par la Fondation Culturespaces. Objectif ? Eveiller et révéler la créativité des enfants fragilisés par la maladie, le handicap ou l'exclusion sociale, en leur offrant un premier accès à l'offre culturelle. Outre l'Atelier des lumières, les Carrières de lumière aux Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône) et les Bassins de lumières à Bordeaux (Gironde) sont également partenaires de ce programme. L'enjeu ? La découverte des arts par l'intermédiaire des nouvelles technologies, particulièrement appréciées de la génération Z. « Une approche innovante », salue Delphine Moreau, la professeure des écoles de l'IEM, et économique !

... et économique !

Ce dispositif « propose une alternative à l'inflation des coûts associés au transport et à l'exposition des œuvres originales, explique la Fondation. Par ailleurs, elle permet de démocratiser la culture en apportant, partout où cela est possible, l'art à ceux qui en sont le plus éloignés. » « La plupart des enfants présents aujourd'hui n'ont jamais mis les pieds dans un musée, notamment parce qu'ils n'en ont pas les moyens », ajoute l'enseignante qui se réjouit de cette visite entièrement prise en charge par Culturespaces permettant, de surcroît, de « surmonter les complexes de certains face à la culture ». 

Parcours interactif en 4 étapes

« Bien plus qu'une simple visite, il s'agit de proposer, en amont et en aval, un parcours guidé et animé, adapté à chaque enfant » pour, in fine, les encourager à la réflexion critique et au débat argumenté, explique Bruno Monnier, président de la Fondation Culturespaces. En effet, le parcours interactif se décline en quatre étapes. Un atelier pédagogique permet aux enfants de se familiariser avec les œuvres et l'univers des peintres, à travers une dizaine d'activités ludiques, comme par exemple le jeu du Memory. Après l'exposition, les apprentis peintres passent à l'action ; inspirés par leurs découvertes, ils réalisent leur propre tableau. Dernière étape : leurs œuvres font l'objet d'une mini-exposition suivie d'un temps d'échange.

30 000 jeunes sensibilisés à la culture

Au total, depuis 2009, la Fondation Culturespaces a permis à 30 000 jeunes fragilisés d'accéder aux prémices d'une éducation artistique. Une recette victime de son succès puisque la demande est bien supérieure à l'offre. « Nous n'arrivons pas à répondre à toutes les sollicitations », regrette-t-elle. En 2020, 5 000 d'entre eux ont notamment pris part au programme « Art en immersion », « un vrai défi compte tenu de la crise sanitaire », souligne Bianca Ciampolini, coordinatrice générale de ce dispositif soutenu par le ministère de l'Education nationale. Parmi eux, 1 000 enfants vivent avec un handicap et sont accueillis dans des structures médico-sociales ou des Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Grâce, en partie, au mécénat du groupe Macif, ils ont pu bénéficier d'un parcours adapté.

Une expo pour s'évader... ou se retrouver

« Monet, c'est leur pote, maintenant ! », s'enthousiasme Delphine Moreau qui se félicite de cette « belle réussite ». « Le nombre d'enfants handicapés accueillis va doubler », promet Bianca Ciampolini, ravie de pouvoir contribuer à les « faire rêver » lors de « ce moment d'évasion ». Selon elle, ce programme fait également sensation auprès des jeunes polyhandicapés, avec des troubles du comportement ou autistes. Si la visite immersive peut sembler apriori déroutante pour ces derniers à cause des multiples sollicitations sensorielles, « ils sont au contraire très réceptifs ». D'autre part, « ils ne ressentent pas l'oppression du musée classique où il faut bien se tenir, être silencieux », ajoute-t-elle.

On pourrait également penser que les enfants présentant des troubles psychiques risquent d'être déstabilisés devant des œuvres parfois « sombres » mais « c'est tout le contraire ! », dément Bianca. « Ils semblent ravis de pouvoir s'identifier à ces peintures qui reflètent leur état d'esprit, leur vision du monde, parfois même leur mal-être », analyse-t-elle. Il y a donc fort à parier qu'ils apprécieront la prochaine exposition qui, dès 2021, mettra à l'honneur l'artiste catalan, figure emblématique du Surréalisme... Dali.

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