Art thérapie, elle joue du violoncelle au chevet de patients

Jouer du violoncelle pour atténuer les maux ? La musicienne Claire Oppert révèle l'impact de la musique sur le corps et l'esprit, notamment chez les personnes handicapées. Son credo : "10 mn de Schubert = 5 mg de morphine". Maestro !

 

Avril 2012. Paris. Un EHPAD. « Une femme hurle et se débat. Deux infirmières s'agitent autour d'elle, la maintenant fermement pour l'empêcher de tomber de son fauteuil, tout en parant ses attaques. Elles doivent absolument refaire le pansement de Mme Kessler. La plaie de son bras droit est purulente. (...) Je ne sais pas ce qui me pousse à m'arrêter devant elle. Je ne prononce pas une parole. Je m'assieds et lui joue au violoncelle le thème de l'andante du Trio op. 100 de Schubert. » Les cris cessent, le calme revient. Le pansement Schubert est né. C'est le nom qu'a choisi Claire Oppert, musicienne et art-thérapeute, pour son premier livre (éditions Denoël), en librairie depuis février 2020. Un condensé de rencontres, d'anecdotes personnelles, de réflexions sur l'art qui l'ont menée à découvrir un remède innovant contre la douleur physique et la souffrance morale : la musique.

10 minutes de Schubert = 5 mg d'Oxynorm

En adoucissant les maux, cette technique apporte un apaisement au corps et à l'esprit. Il ne remplace pas les traitements et actes médicaux mais soulage, réduit les tensions et, surtout, prend soin de la personne qui bénéficie de séances de musicothérapies personnalisées. C'est scientifique, « 10 minutes de Schubert = 5 mg d'Oxynorm », un antalgique apparenté à la morphine ! Le violoncelle, proche du lit du patient, stimule un champ de sensations corporelles riche. Les vibrations musicales atténuent les symptômes en déplaçant la douleur et en diminuant le ressenti. Sa théorie a fait l'objet d'une  analyse clinique depuis 10 ans et les conclusions sont unanimes : la musique vivante entraîne un soulagement des symptômes, une détente musculaire, la possibilité d'exprimer des sentiments difficiles à verbaliser, la restauration de liens sociaux et, in fine, une amélioration de la qualité de vie. « De façon plus large, le pouvoir d'entraînement, l'effet relationnel, tantôt apaisant ou stimulant de la musique offrent des bénéfices quels que soient l'avancée de la pathologie, l'état cognitif et le degré de vigilance, y compris  chez des patients dans le coma », assure Claire.

Restaurer l'estime de soi et le goût de vivre

Il y a Schubert mais aussi Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Rachmaninov, Verdi, Piaf, Cloclo, Johnny, du gospel, du rock, des valses et des tangos... Il y a des personnes âgées mais aussi atteintes de maladies neurodégénératives ou en fin de vie...  Dans son livre, la musicienne raconte leur transformation à travers la  mise en place de spectacles publics d'« art total », réalisation d'autobiographies de résidents, de peintures et promenades sensorielles au fil des saisons. Autant « d'élans créateurs » qui restaurent l'estime de soi et le goût de vivre. Autre « pouvoir » de l'art : il stimule les capacités résiduelles des patients atteints de démence sur le plan moteur, mnésique et relationnel. Claire en est convaincue, nul besoin de comprendre la musique pour la sentir et, même si la mémoire immédiate des événements est partie, la mémoire profonde subsiste car la musique s'adresse à la partie saine et vivante de la personne.

Des jeunes autistes « transformés »

Il y a également cet ancien boxeur à qui Je ne regrette rien de Piaf ramène à sa mémoire ses plus beaux combats, et puis ces jeunes autistes sévères pour qui « la musique semble combler l'absence de langage ». « D'abord, il faut apprendre à mériter leur attention. A nous de trouver une façon d'être qui nous rende intéressants à leurs yeux, (...) qui doit se modifier, se réinventer, à chaque fois », explique Howard Buten, psychologue clinicien et clown, qui l'accompagne lors de ses « stupéfiantes séances musicales » au sein de l'Institut médico-éducatif (IME) Adam Shelton, à Saint-Denis (Ile-de-France).

Jouer pour des personnes malades ou handicapées ? « C'est un instinct naturel pour moi, répond Claire Oppert. Ce sont des publics sensibles, sans mondanités. Quand la maladie avance, les mots tombent. Et lorsqu'on parle moins, grandit l'espace à l'intérieur de soi. La musique prend parfois le relais des mots et met en résonance l'affectivité la plus profonde. »

Rendez-vous ! Claire Oppert témoigne de son expérience au cours d'un débat et concert le 10 septembre 2020 au Collège des Bernardins à Paris. D'autres dates sont prévues à l'automne en France.

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