Emploi et handicap : un modèle à bout de souffle ?

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Impasse financière, complexité extrême, dispositif essoufflé... Il faut rénover la prise en compte du handicap dans l'emploi, observe l'Igas. Un rapport de 400 pages pour venir à bout d'un modèle obsolète ?

 

Pas moins de 400 pages pour le rapport Igas (Inspection générale des affaires sociales) consacré à « emploi et handicaps ». Rendu public fin juillet 2020, il est destiné au Président de la République, au Gouvernement, au Parlement, et à l'ensemble des acteurs et citoyens « tout simplement sensibles à ces enjeux ». Le défi est en effet de taille : 1 Français sur 5 présente une maladie chronique évolutive tandis que l'activité professionnelle est impliquée dans près de 60 % des situations de handicap (accident ou aggravation liée à l'emploi). Le nombre des personnes bénéficiant d'une reconnaissance de handicap a plus que doublé en 15 ans, pour atteindre 2,8 millions actuellement. Mais, au-delà, près de 6 millions de Français auraient des « problèmes de santé pouvant entraîner des limitations dans l'activité professionnelle ».

De nombreuses problématiques

Ce rapport dévoile la place de ce sujet dans les politiques publiques depuis plus de 40 ans. Ont-elles fait leurs preuves et répondent-elles aux besoins et aspirations de ces personnes ? Aux besoins des employeurs ? Que peuvent nous apprendre les voies empruntées par d'autres pays, par exemple l'Allemagne et la Suède ? Pour répondre à ces questions, l'Igas s'est appuyée sur une quinzaine de missions réalisées au cours des dernières années mais aussi sur des travaux complémentaires inédits. Au total, plus de 2 200 entretiens, témoignages et histoires de vies, recueillis dans 36 départements !

Quelles conclusions ?

L'Igas est dans son rôle et se montre particulièrement critique, les auteurs du rapport observant des « dispositifs protecteurs qui s'essoufflent », notamment pour l'obligation légale de 6 %, « non satisfaite ». Trente ans après son adoption, entre 2009 et 2017, le taux d'emploi est passé de 2,7 % à 3,5 % dans le secteur privé et de 4,4 % à 5,5 % dans le public. « Ces résultats paradoxaux et décevants interrogent sur l'efficacité des dispositifs existants », ses auteurs déplorant « une complexité administrative poussée à l'extrême » liée à « l'empilement des mesures, la multiplication des intervenants, le souci de s'ouvrir à des approches nouvelles sans supprimer les dispositifs existants », qui « absorbe l'énergie des acteurs institutionnels ». D'autant que ce modèle de contribution mènera bientôt à une « impasse financière », une meilleure observance de l'obligation d'emploi se traduisant mécaniquement par une diminution des montants collectés auprès des entreprises.

Trois scénarios possibles

Il faut « rénover », interpelle l'Igas. « Les formes du handicap ont changé, comme les aspirations des personnes concernées, et le regard porté par la société sur ces phénomènes évolue, quoique plus lentement. Le décalage se creuse avec un cadre légal et des modalités d'intervention mis en place il y a plusieurs décennies », explique-t-il. Trois scénarios se distinguent pour assurer l'évolution, à long terme, du modèle français, pour le moment, « fissuré et en décalage avec les attentes et les besoins ». Si le statu quo est maintenu, sa « viabilité nécessitera en tout état de cause des modifications substantielles », par exemple la recherche de nouvelles sources de financement et la transformation des modalités d'accompagnement des travailleurs handicapés.

Deuxième pari, plus « ambitieux », la « refondation », inspiré du modèle suédois, dans lequel « l'inclusion des travailleurs handicapés constitue un objectif consensuel ». Pas de quota mais des incitations financières, un environnement de travail aménagé pour tous selon le principe « d'accessibilité universelle » et un « financement basé sur la solidarité nationale ». Enfin, troisième scénario, le « recentrage » avec des « dispositifs plus ciblés » ; on conserve l'architecture actuelle du dispositif mais les soutiens se concentrent sur les situations de handicap les plus problématiques, selon le type d'approche en vigueur en Allemagne.

Ce rapport est téléchargeable en ligne sur le site de l'Igas (en lien ci-dessous), une version en format Word étant accessible aux personnes malvoyantes. Une synthèse est également disponible pour tout comprendre… en 6 pages !

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