24h rollers du Mans : un défi palpitant au nom de l'autisme

Exit les bolides des 24h du Mans, place aux rollers ! Initialement prévu en mai, les "24h rollers" sont reportés en 2021. Laurent Savard, humoriste, et son fils Gabin, autiste, seront de la partie pour "rouler" sur les préjugés invalidants. En piste !

« L'activité physique est l'un des remèdes les plus efficaces pour soigner le corps et l'esprit. » C'est notamment pour cela que Yann Paillat, éducateur sportif, participe aux 24 heures du Mans en rollers depuis plus de dix ans. Cette année, il a décidé d'allier passion et sensibilisation, au profit de son petit neveu Xavier, porteur d'autisme. « J'ai appris que Laurent Savard, humoriste, et son fils Gabin, autiste sévère et, tout comme moi, fan de roller, participaient aux 24h rollers 2020 pour favoriser l'inclusion du handicap et surtout de l'autisme en France », relate-t-il. Ce projet « lui parle », il décide d'y prendre part.

Casser les mythes sur l'autisme

Mais l'ombre Covid-19 vient rapidement noircir le tableau... Les évènements sportifs sont annulés les uns après les autres, « les 24h » n'y échappent pas. Initialement prévu les 2 et 3 mai 2020, l'évènement est reporté en 2021. Alors, en attendant, Yann s'est fixé un autre challenge : rallier Dunkerque à Biarritz, par les côtes françaises, en roller bien sûr, soit plus de 2 550 km en 35 jours. En cette période de crise, il espère ainsi encourager le plus grand nombre à « rester actif dans toutes les situations » et à se surpasser. « C'est un message que je transmets au quotidien auprès des personnes que j'accompagne dans mon activité de coaching, explique-t-il. Au départ, elles sont souvent frileuses à l'idée de reprendre une activité après une pause ou une blessure. Puis, à force de patience et de persévérance, elles prennent confiance en elles et transforment chaque crainte en réussite. » Selon lui, ce message s'applique également à la situation de l'autisme en France. « A ce jour, nous n'accordons que très peu d'attention à ces enfants différents par peur ou tout simplement par méconnaissance », estime-t-il. Ce challengeur espère ainsi « casser les mythes autour de ce handicap mental ». Un credo éloquent pour celui qui dirigera d'une roue de fer l'équipe « Gabin sans limites »... Retour sur les préparatifs de cet évènement palpitant avec Laurent Savard.

Handicap.fr : Depuis combien de temps Gabin fait-il du roller ? 
Laurent Savard : Quand je le vois évoluer sur ses 8 roues, j'ai souvent l'impression qu'il est né rollers aux pieds ! En fait, il a débuté le roller vers 4-5 ans, en parallèle du patin à glace, qui lui a donné un équilibre à toute épreuve. S'il pouvait, Gabin ferait du roller nuit et jour. Il ne sait pas dire le mot mais demande constamment « Je veux faire du roller » sur sa tablette de communication.

H.fr : Pourquoi avoir eu envie de participer à cet évènement ?
LS : Parce que Gabin est infatigable ! Le jour où la ville de Paris bloque le périph' pendant 24H pour réaliser la même épreuve, on s'inscrit aussitôt mais, d'un point de vue sportif, le circuit du Mans, c'est tout de même le Graal !

H.fr : Quel est l'objectif ? 
LS : Boucler les 24H (rires) ! Plus sérieusement, le but est avant tout de montrer que Gabin et tous les enfants, ados, adultes avec un handicap pas forcément « light » ne sont pas que des personnes handicapées. De même que mon métier est « humoriste » et non « parent d'enfant autiste », je pense que Gabin doit être reconnu en tant que « sportif » et pas seulement en tant que « personne autiste ». Quand on regarde ses cuisses, aucun doute possible ! Donc, même si la ou le secrétaire d'Etat chargé(e) des personnes handicapées est la ou le bienvenu(e), j'attends particulièrement la visite de la ministre des Sports au bord du circuit. Roxana Maracineanu, on vous attend, il reste même une place dans l'équipe ! Cela pourra peut-être permettre d'intégrer le roller aux Jeux olympiques et paralympiques et ainsi à Gabin de décrocher une médaille...

H.fr : Quel a été le déclic ?
LS : Ces dernières années, une image caricaturale de l'autisme est parfois donnée : l'idée que, potentiellement, toutes les personnes autistes sont des savants, ont un QI au-dessus de la moyenne ou que, si à l'adolescence, le langage n'est toujours pas débloqué, c'est parce que les parents n'ont pas fait leur job... En réalité, tout dépend de la forme de l'autisme, de sa cause génétique, c'est peut-être plus complexe que ce que certains veulent nous vendre. L'essentiel est que chaque personne autiste puisse mener la vie qu'elle désire, au mieux. Quand cette personne est non verbale, pas autonome, comme Gabin, cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas de pistes d'inclusion. Pour lui, c'est la piste de rollers !

H.fr : Quels sont les membres de la team « Gabin sans limites » ? 
LS : Que des champions -sauf moi, de loin le plus nul et le seul véritable handicap de cette équipe-, à commencer par Fanny Benoit, membre de l'équipe de France de roller hockey, Yann Paillat et ses frères. Une équipe 100 % inclusive puisque Gabin sera la seule personne handicapée. Sans oublier que cette aventure n'est possible que grâce à une solide équipe d'accompagnants, en premier lieu la maman de Gabin, Marylou, qui gère tous les temps en dehors de la course.

H.fr : Comment se déroule l'entraînement de Gabin ? 
LS : Il roule environ deux heures par jour et, le week-end, c'est souvent multiplié par deux... Par tous les temps, on a même fait du roller sous la grêle ! Ce qui est amusant, c'est que, régulièrement, des gens reconnaissent Gabin. Certains ont lu mon livre Gabin sans limites, d'autres ont vu un reportage ou mon spectacle qui lui est consacré. C'est vraiment cool de recevoir des « Bravo, t'es un champion ! » ; ça permet d'occulter les « C'est quoi ce môme !? » que j'entends parfois.

H.fr : A quelles difficultés est-il confronté ? Et vous ? 
LS : La plus grande difficulté, c'est de réussir à le suivre (rires). Comme je suis dix fois moins bon que lui à rollers, je le suis depuis des années à patinette. Une électrique depuis un an et demi car j'ai un léger souci au genou droit ; c'est le problème d'être aidant familial, l'amour, ça te bouffe le cartilage ! On se fait donc régulièrement arrêter par les agents de sécurité de la ville de Paris, voire la Police nationale... Au parc des Buttes Chaumont, surtout. On risque 135 euros d'amende, il faut parfois se justifier. Au pire, je les ferai passer dans la Prestation de compensation du handicap (PCH) de Gabin (rires). Mais je me vois mal le lâcher dans la jungle de la circulation parisienne, ni même sur les pistes cyclables déjà embouteillées. Accompagner Gabin, c'est bien entendu une concentration de tous les instants, il ne s'arrête pas aux feux par exemple... même s'il contrôle sa glisse au millimètre près.

H.fr : Finalement, le sport, c'est une façon de se retrouver entre père et fils ?
LS : Avec Gabin, on ne se perd jamais (rires). Il doit me subir à longueur d'année, sauf quand je pars jouer mon spectacle ou ma conférence gesticulée. Mais il est toujours dans un coin de ma tête, de ma plume, de ma chair. Pour celles et ceux qui me suivent, je suis peut-être vu comme un humoriste impliqué et un père militant mais je dirais qu'à rollers (et patinette), les instants partagés dépassent le rapport père-fils. Perché sur ses 8 roues, Gabin est libre comme l'air (presque) pur... Au Mans, on aura donc 24H non-stop de sentiment de liberté ! Kiffant, non ?

Les commentaires sont fermés.