Benjamin, hémiplégique, son coup de foudre pour la batterie

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"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait." Cette citation résume l'histoire de Benjamin, hémiplégique. Petit, ses médecins lui déconseillent de faire de la batterie. Aujourd'hui musicien, il "bat" les préjugés en brèche.

 


La salle est comble, le public, silencieux, impatient. Les musiciens « accordent leur violon » une dernière fois. Parmi eux, Benjamin Balair, 28 ans, batteur hémiplégique de naissance, tente de gérer son stress à quelques minutes de son entrée en scène. Boosté par l'adrénaline, il lance le show. Un « moment fatidique » qu'il aime autant qu'il appréhende. Silence. 3,2,1, « go » ! « A partir de là, ce n'est que du bonheur », explique-t-il. Un bonheur qu'il éprouve depuis l'école primaire, bien avant ses concerts endiablés...

Coup de foudre musical

« Certains enfants sont passionnés par le sport, d'autres par la lecture ou les jeux vidéo. Moi, je pouvais passer des heures walkman à la main et casque sur les oreilles », se souvient-il. Avec la musique, c'est le coup de foudre instantané. Mais, rapidement, écouter ne suffit plus... Chanter ? Pas une option. Mais, « à défaut de chanter juste, j'ai toujours eu le sens du rythme ! », sourit Benjamin. A 6 ans, il exprime son envie de jouer d'un instrument. Mais lequel ? Harmonica, trompette... « Pas évident » avec une hémiplégie du côté droit. Il jette finalement son dévolu sur la caisse claire, « cadeau inoubliable » pour son septième anniversaire. Deux ans plus tard, il passe à « l'étape supérieure », la batterie. Quelle idée ! « Ce n'était pas forcément l'instrument qui m'était prédestiné, concède-t-il, sans doute l'un des plus physiques, qui demande une parfaite coordination entre les poignets et les pieds, et pourtant... » Dès les premiers battements, le charme opère. « C'était comme une évidence, explique-t-il. C'est à partir de ce moment-là que ma passion a pu s'épanouir pleinement. »

Déjouer les pronostics

Il prend alors des cours particuliers avec Erwan Eveno, « un batteur talentueux et désormais un véritable ami ». Agé de 16 ans à l'époque, Benjamin est son tout premier élève. Ensemble, ils approfondissent leur passion commune et démolissent les préjugés sur le handicap. Vingt ans plus tard, Benjamin joue dans cinq groupes différents et donne une trentaine de concerts par an. Qui l'aurait cru ? Certainement pas ses médecins qui, dès son plus jeune âge, se sont fermement opposés à ses ambitions musicales. « Impossible, inimaginable » lui disaient-ils. Des pronostics qu'il a pris plaisir à déjouer. « Mon hémiplégie influe forcément sur ma manière de jouer, et je dois souvent travailler deux fois plus que d'autres batteurs pour arriver au même niveau mais le frisson que chaque concert me procure en vaut largement la peine », affirme-t-il. Un besoin viscéral que la fatigue ne saurait réfréner…

La batterie, un sport intensif

« Sur le plan physique, quand on la pratique régulièrement et à un certain niveau, la batterie s'apparente à un véritable sport. C'est pourquoi il faut savoir être à l'écoute de son corps pour éviter les blessures et ne pas négliger les périodes d'échauffement avant chaque session, ajoute le jeune musicien. A l'issue des concerts, comme un athlète après sa performance, il me faut un peu de temps pour faire redescendre la pression et gérer ce flot d'émotions : excitation, plaisir, épuisement... » Actuellement en recherche d'emploi, Benjamin rêve d'intégrer un groupe professionnel et de partir sur les routes répandre, non pas la bonne parole, mais la « bonne musique »...

Trois questions à Erwan Eveno, son prof de batterie

Benjamin a-t-il eu une influence sur votre manière d'enseigner ?
Oui, bien sûr ! Avec le recul, je pense que ça m'a rendu plus patient et moins fermé. Quand on débute dans ce métier, on a parfois tendance à un certain académisme, une certaine rigueur, à vouloir reproduire ce qu'on nous a inculqué, surtout si jeune. Mais cela m'a appris, d'entrée de jeu, à trouver des solutions adaptées et sur-mesure. Ce que j'ai continué à faire par la suite...

Comment avez-vous appréhendé la question du handicap ?
En fait, je ne me suis pas posé la question. J'ai vu, dès les premières séances, ce que je pouvais faire ou non compte-tenu de ce handicap. Même s'il n'en avait pas conscience, c'est la volonté de Benjamin qui m'a guidé. La préparation des cours était très longue, je cherchais dix solutions pour améliorer à la fois son indépendance et sa coordination.

Des conseils à donner sur le plan pédagogique ?
Il faut toujours se renseigner et remettre sa pédagogie en question. Chaque élève est unique. La pédagogie différenciée ça semble évident mais c'est encore plus prégnant en cas de handicap. Après Benjamin, j'ai rapidement été sollicité pour accompagner des élèves qui, en raison de leur handicap, n'étaient pas acceptés dans des structures plus académiques. J'ai travaillé avec des personnes autistes, en situation de handicap mental, aussi bien dans des associations que des écoles de musique ou des structures d'accueil... J'ai beaucoup lu mais aussi discuté avec des kinésithérapeutes, psychologues ou encore ergothérapeutes, afin de trouver des stratégies pour améliorer l'accès à la pratique musicale. Sans vouloir faire de jeu de mots, c'est la clé !

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