Troubles psy : une crise pour repenser l'accompagnement

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Le confinement, un coup dur pour Messidor, asso qui accompagne des personnes handicapées psychiques vers l'emploi. Mais, pas le choix, il faut s'adapter. Entre soutien à distance et apprentissage de la résilience... récit d'un confinement productif.

 

Le 17 mars 2020, le confinement est annoncé. Messidor doit arrêter l'intégralité de ses activités. Un verdict « brutal et difficile à avaler » pour cette association qui accompagne et insère des personnes en situation de handicap psychique en emploi. « Le cœur de notre projet est mis à mal pour deux raisons : la première parce que les activités professionnelles déployées sont un support du rétablissement des personnes qui s'inscrivent dans une trajectoire de retour à l'emploi en milieu ordinaire, la seconde parce que c'est un moyen de subsistance et de financement de notre activité », déplore son directeur général adjoint, Jean-Marc Collombier. L'enjeu est grand : comment faire face à cette situation inédite en limitant le stress des personnes accompagnées tout en évitant ruptures de parcours et éventuelles ré-hospitalisations ?

Verry'Appli : soutien à distance nécessaire

Premier défi : basculer, en une journée, sur un suivi à distance. « Une mission réussie assez aisément », selon M. Collombier. Suivie d'une seconde : redéployer l'accompagnement à domicile en tenant compte des nouvelles difficultés imposées par le confinement. Pour ce faire, l'association a pu s'appuyer sur son application compagnon, la « Verry'Appli » (article en lien ci-dessous). Lancée fin 2019, cette appli mobile, qui a pour vocation de renforcer l'autonomie et le pouvoir d'agir des personnes en situation de handicap psychique via la réalisation d'objectifs définis, connaît un véritable « boom » depuis fin mars. Cet outil a permis de renforcer le travail des conseillers ou « job coachs » et ainsi d'offrir un soutien personnalisé à distance, « absolument nécessaire pour rompre l'isolement », estime Thierry Brun, directeur général de Messidor. « Dans un premier temps, nous avons peut-être péché par excès en appelant les personnes tous les jours », concède Jean-Marc Collombier. « Le repli sur soi arrive assez vite, a fortiori en cas de handicap psychique, et nous voulions à tout prix l'éviter », intervient Thierry Brun. « Nous nous sommes aperçus que c'était un peu excessif, voire intrusif pour certains, et avons appris à moduler l'intensité de l'accompagnement en fonction des besoins », expliquent-ils.

Travailler sur la résilience

En parallèle, les job coachs proposaient des contacts périodiques par visioconférence, téléphone ou encore via les réseaux sociaux. « Nous devions entièrement repenser notre façon de travailler, les rendez-vous en face-à-face étant le cœur de notre métier, explique Sophie Auvinet, l'une d'entre eux. Par ailleurs, il y a énormément de déperdition d'informations par téléphone, il est difficile de décrypter leurs réactions par exemple. » Sur 21 personnes accompagnées, 11 se sont retrouvées au chômage partiel. Pour éviter les rechutes, « nous avons notamment travaillé sur la gestion du stress, l'anxiété vis-à-vis de l'actualité et de la propagation du coronavirus, poursuit-elle. Ce qui les rassurait, c'est de savoir que nous étions aussi confinés, que l'on partageait les mêmes difficultés. » Cette crise a également été l'occasion de travailler sur leur capacité de résilience pour « éviter de se faire envahir par ce marasme anxiogène ». « Comment cette période peut-elle finalement me renforcer ? » Vous avez deux mois...

Entreprises plus « frileuses »

Trois mois et une perte d'activité de plus d'un million d'euros plus tard, « maintenant tout est en route, assure M. Collombier. Les accompagnements en présentiel ont repris et les restaurants ont rouvert, c'est la bonne nouvelle de la semaine ! Mais cette remontée en charge va prendre du temps pour l'ensemble des secteurs et en particulier pour la restauration », activité phare de l'association. « Les travailleurs sont ravis de reprendre leur travail et leurs rendez-vous en face-à-face », affirme Sophie Auvinet, qui constate une évolution dans la relation avec les personnes accompagnées après avoir abordé des thèmes « plus personnels » durant le confinement. Mais cette période a engendré des souffrances et des difficultés notamment du côté des entreprises qui, selon elle, se montrent « plus frileuses à l'embauche ». « Plusieurs d'entre elles m'ont appelée pour me signaler des reprises de poste perturbées, ajoute-t-elle. A nous de rassurer à la fois les salariés et les employeurs, et de trouver des solutions pour dépasser leurs craintes respectives ! »

Cravacher dur

Pour faire face à la crise, Messidor a dû recourir à un prêt garanti par l'Etat afin de maintenir l'emploi des personnes accompagnées. Licencier ? « Cela aurait été une aberration pour une structure qui guide vers l'emploi », assure Thierry Brun. Plusieurs défis s'offrent désormais à cette association qui souhaite devenir « l'acteur de référence dans l'insertion professionnelle des personnes avec un handicap psychique ». Le premier : retrouver un équilibre en matière d'activité afin d'assurer des parcours de transition pour ses travailleurs. Pour ce faire, « nous allons devoir cravacher dur, estime son président, Georges Bullion, et tirer les enseignements en matière de télétravail, management, accompagnement à distance... ». « Nous avons, par exemple, développé la vente à emporter durant le confinement », se félicite Jean-Marc Collombier. Une initiative qui mérite, selon lui, d'être pérennisée afin de rouvrir les restaurants avec une « valeur ajoutée ».

Un nouveau DG

A plus long terme, dans le cadre du projet Messidor 2025 -plan de transformation de l'association-, « nous envisageons l'installation d'un établissement Messidor ou de sa franchise dans chaque département français pour généraliser l'inclusion du handicap psychique par l'emploi », poursuit-il. « Nous avons un devoir d'exemplarité, affirme Thierry Brun. Ce que l'on va réussir à la sortie du confinement, tout ce que l'on va apprendre, nous le transmettrons aux associations départementales. » Autre ambition : transformer l'association en fondation reconnue d'utilité publique « pour favoriser une administration plus pérenne ». D'ici-là, Thierry Brun aura cédé sa place de DG à Jean-Marc Collombier, après avoir pris sa retraite le 1er août 2020, quelques jours après la fin du mois de messidor, jadis le dixième mois du calendrier républicain...

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