Privé de ses bras, un artiste cambodgien hors-normes

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Moqueries, mises à l'écart, avenir brisé... Un artiste cambodgien exprime la discrimination dont il est victime depuis qu'il a perdu ses bras dans des œuvres d'art qui mettent en lumière les difficultés des personnes handicapées dans son pays.

 

A 20 ans, Morn Chear s'électrocute sur un chantier. Ses deux mains développent une gangrène, forçant les médecins à une double amputation au niveau du coude. Dix ans plus tard, il expose et vend ses créations au sein d'un collectif d'artistes basé à Siem Reap, près du célèbre site d'Angkor.

Des oeuvres liées à son histoire

Son art : la linogravure. Morn Chear coince entre ses moignons un stylo pour dessiner un croquis, puis de petits outils qui lui permettent de travailler la plaque à graver. Enfin, à l'aide d'un rouleau, il applique l'encre avant de transférer l'image sur du papier. "La plupart de mes oeuvres sont liées à ma propre histoire", à la discrimination que j'ai subie, dit-il à l'AFP. De retour chez lui juste après son amputation, Morn Chear s'est ainsi vu surnommer "A-Kambot" ("l'arriéré", ndlr) par des villageois, son souvenir le plus douloureux. Le Cambodge a considérablement changé au cours des deux dernières décennies. Des villes comme Siem Reap ou Phnom Penh se sont développées économiquement à un rythme effréné, tirées notamment par le tourisme. Mais la santé et l'éducation restent à la traîne et la situation est particulièrement délicate pour les personnes handicapées dont 60% vivent en dessous du seuil de pauvreté, d'après une enquête réalisée l'an dernier par une association locale.

Les ravages des mines antipersonnel

Sur 16 millions d'habitants, 310 000 souffrent de handicap, d'après les statistiques gouvernementales. Mais ce nombre est probablement nettement sous-estimé car beaucoup n'ont pas de statut reconnu. Et les mines antipersonnel héritées des guerres qui ont dévasté le pays continuent de faire des ravages. La discrimination est omniprésente, les Cambodgiens percevant les personnes handicapées comme des mendiants ou des fardeaux pour leur famille. Pour Morn Chear, des opportunités sont apparues en 2015 quand il a été pris dans un institut de formation à but non lucratif où on lui a enseigné la danse contemporaine, le dessin, l'informatique et même l'anglais. "Certaines personnes qui m'ont méprisé dans le passé sont alors redevenues amicales", explique-t-il.

Mais l'artiste s'inquiète aujourd'hui. A cause de la pandémie de coronavirus, son atelier a fermé temporairement et il est de retour dans son village où il subit la même mise à l'écart qu'après son amputation. Il craint aussi pour son avenir. "Si je ne peux pas pratiquer mon art, je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire".

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