Covid-19: autisme, des familles dépassées par le confinement

"Le confinement avec des enfants autistes peut être catastrophique", alertent des familles. Perte de repères, routine altérée, incompréhension... La délégation interministérielle autisme fait le point sur les difficultés et propose des solutions.

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Handicap.fr : La période de confinement est particulièrement complexe pour les personnes autistes. Quelles sont les remontées des familles concernées ?
Délégation interministérielle autisme-TND :  Nous sommes en lien très étroit avec les associations, des familles mais aussi des personnes autistes. Les demandes les plus fréquentes concernent les dérogations aux règles de sortie, la gestion des troubles du comportement et ensuite les questions sur la poursuite des apprentissages scolaires.

H.fr : Avez-vous relevé des difficultés concernant les contraintes imposées durant cette période de confinement, notamment les contrôles de police ?
DIA : Nous sommes alertés par des personnes autistes qui n'osent pas sortir par crainte de ces contrôles et par des familles monoparentales qui ont des difficultés à sortir car elles s'occupent seules de plusieurs enfants. Dans ce contexte, nous avons instruit et transmis au ministère de l'Intérieur des demandes de dérogation qui couvriraient plusieurs dimensions : sortir plus souvent et pouvoir s'éloigner de la maison. Aucune décision n'a été prise à ce jour mais le dossier « assouplissement/aménagement » des règles de confinement pour les personnes concernées par des troubles du spectre de l'autisme (TSA) et du neuro-développement (TND) est actuellement à l'étude. Il est également important de rappeler à vos lecteurs que les attestations de déplacement dérogatoires sont désormais disponibles en Facile à lire et à comprendre (FALC) afin d'être compréhensibles par tous.

H.fr : Les forces de l'ordre ont-elles reçu une sensibilisation spécifique aux personnes autistes ou avec un handicap mental ?
DIA : Avant même l'épidémie, nous travaillions depuis huit mois de façon très étroite avec le ministère de l'Intérieur, avec un référent gendarmerie et représentant des forces de police pour sensibiliser leurs personnels à l'autisme. Nous étions d'ailleurs sur le point d'éditer une plaquette à ce sujet. En parallèle, nous œuvrons pour intégrer dans la formation initiale et continue des forces de l'ordre un module de sensibilisation au handicap invisible. Ces initiatives ont été lancées dans le cadre de disparitions inquiétantes de personnes autistes. A ce sujet, nous étions également en train de concevoir une procédure d'information de disparition inquiétante pour que les médias locaux et forces de l'ordre réagissent extrêmement vite en cas de disparition.

H.fr : Quelles sont les problématiques majeures rencontrées par les familles ?
DIA : La situation de changement radical du quotidien que nous connaissons aujourd'hui peut déstabiliser considérablement une personne autiste mais aussi celles qui présentent des TDAH (troubles déficitaires de l'attention). Il peut y avoir une majoration des troubles du comportement et des autostimulations (ou automutilations). Il est important de les protéger du stress de cette période, de parler de la situation actuelle de manière ouverte, calme et adaptée à son niveau de compréhension, sans détails inutiles. Il faut également veiller à lui permettre de garder le contact avec ses proches, en organisant des appels de préférence vidéo. Par ailleurs, les enfants avaient jusqu'alors l'habitude d'être en contact avec des personnes spécifiques, formées pour gérer les crises éventuelles, dans leur école ou leur établissement. Résultat de l'absence de ces contacts : une inquiétude renforcée.

H.fr : Ce qui n'est pas forcément le cas des parents ?
DIA : Les parents sont des parents, pas des éducateurs spécialisés. Ils ne sont pas toujours armés pour faire face à tous les troubles du comportement de leur enfant dans une situation aussi inhabituelle que celle que nous vivons. Autre difficulté : il faut sans cesse trouver de nouvelles occupations, alors que de nombreux parents sont en télétravail et, là encore, n'ont pas forcément les compétences d'un enseignant spécialisé. Il en va de même pour les parents d'enfants neurotypiques qui ne sont pas toujours armés pour leur faire classe. La tâche est donc d'autant plus complexe en cas de neuroatypie. A ce sujet, la plateforme pédopsychiatrie du CHU Robert Debré (en lien ci-dessous) propose notamment des adaptations pédagogiques en cas de TSA, troubles d'apprentissage ou encore cognitifs, via des fiches pratiques.

H.fr : Un message pour ceux qui rencontrent des difficultés ?
DIA: Ne restez pas seul et contactez les plateformes d'aide et d'écoute si vous vous sentez vraiment en grande difficulté. Profitez de la sortie autorisée d'une heure par jour pour vous aérer, en prenant évidemment en compte toutes les précautions nécessaires.

H.fr : Une recrudescence de violences est-elle à redouter en période de confinement ?
DIA : De nombreux parents avec qui nous avons échangé expriment leurs difficultés et leurs craintes à l'idée que ce confinement se prolonge longtemps. Notre rôle est de veiller, avec les professionnels du secteur médico-social, les Agences régionales de santé (ARS) et les associations à assurer cet accompagnement au plus près des besoins. A cette fin, nous avons assoupli beaucoup de règles de fonctionnement et de financement des établissements et services pour pouvoir assurer cette continuité dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons (article en lien ci-dessous).

H.fr : Quels sont les retours des adultes autistes eux-mêmes ?
DIA : Ils sont souvent mieux armés que la plupart des gens pour vivre le confinement, l'une des caractéristiques de l'autisme étant la difficulté à entretenir des relations sociales. Ceci étant dit, la routine, le travail et les occupations quotidiennes sont très structurantes pour eux. Ne plus travailler, c'est certainement troublant pour les neurotypiques mais, pour une personne autiste, il est vital d'avoir un emploi du temps structuré.

H.fr : L'option du télétravail est-elle envisageable ?
DIA : Nous n'avons pas énormément de retours à ce sujet mais la difficulté principale c'est que les adultes autistes ont besoin d'être très cadrés et non pas livrés à eux-mêmes. Le télétravail, oui, mais avec des tâches précises à accomplir, dans un timing bien défini.

H.fr : Quid de la plateforme Autisme info service (article en lien ci-dessous) ? A-t-elle été renforcée pour faire face à l'afflux de demandes ?
DIA : Cette plateforme a seulement huit mois d'existence mais a déjà traité presque 6 000 réponses par mail et par téléphone (0 800 71 40 40), avec environ 25 minutes de conversation pour chaque interlocuteur. Nous avons décidé de la renforcer avec une deuxième ligne d'écoute, composée des équipes du Groupement national des centres ressources autisme (GNCRA), du Centre de ressources autisme Ile-de-France (Craif) et du centre d'excellence de la recherche sur l'autisme et les troubles du neurodéveloppement d'Ile-de-France à l'hôpital Robert-Debré, qui a également produit huit fiches pratiques et un guide à destination des familles.

H.fr : Combien de personnes sont mobilisées au total ?
DIA : Nous sommes en train de faire le compte car plusieurs volontaires qualifiés nous ont récemment rejoints mais, au total, il devrait y avoir un peu plus d'une vingtaine de répondants potentiels sur cette plateforme.

H.fr : Et pour d'autres types de handicaps ?
DIA : Les problématiques des personnes dys ou souffrant de troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité concernent globalement un soutien psychologique pour les parents et un suivi de scolarité pour les enfants. Ils peuvent téléphoner à la plateforme Tous mobilisés, lancée par la fédération nationale Grandir ensemble, le 23 mars 2020 (article en lien ci-dessous), au 0 805 035 800.

H.fr : Cette plateforme peut-elle également répondre aux interrogations des parents d'enfants autistes ?
DIA : Bien sûr, mais nous leur conseillons plutôt de contacter directement la plateforme Autisme info service car les interlocuteurs connaissent parfaitement le trouble de leur enfant. Ils peuvent également se renseigner via la Foire aux questions autisme (en lien ci-dessous), élaborée par le GNCRA avec l'appui de notre délégation.

H.fr : Des ressources présentielles vont-elles être mises en œuvre pour les personnes qui ne peuvent se contenter d'aides virtuelles et de conseils ?
DIA : La continuité d'accompagnement qui s'est mise en place depuis une dizaine de jours va se poursuivre et s'intensifier ; elle n'est pas seulement virtuelle, même si les règles de précaution nous obligent à la fois pour les personnes, leurs familles et les professionnels à limiter les liens sociaux. Il est important de rappeler que des structures sont restées ouvertes et continuent d'accompagner les personnes dans des conditions souvent difficiles ; des solutions de répit sont proposées aux familles et je voudrais profiter de cette occasion pour rendre hommage à la mobilisation de tous ces professionnels du secteur médico-social qui continuent d'apporter leur soutien pour répondre à cette situation inédite.

H.fr : Vous avez certainement entendu parler de l'évènement virtuel organisé par l'association Bleu network, le 2 avril 2020, à l'occasion de la journée internationale de l'autisme (article en lien ci-dessous). Avez-vous l'intention de le soutenir, d'y participer ?
DIA : De le soutenir, oui, mais notre vocation en ce moment n'est pas tant de faire de la sensibilisation que de construire des solutions de services et d'information pour les personnes et familles concernées. A l'origine, nous avions prévu presque un évènement par jour, partout en France, pour faire de la sensibilisation mais nous avons dû tout annuler. Le 2 avril, nous marquerons notre soutien aux personnes dans ces circonstances exceptionnelles et contribuerons, avec les acteurs associatifs, à rendre visibles toute l'offre de soutien, toutes les ressources à disposition des personnes concernées par des TSA-TND mis en place actuellement.

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