1er avril,Philippe Croizon, ce gros poisson choisit l'humour

Illustration article

1er avril 2020, l'humeur n'est pas à la blague. Pourtant, Philippe Croizon, aventurier quadri-amputé, a choisi l'humour pour décompresser. Les vidéos de ce "gros poisson" qui a traversé la Manche à la nage cartonnent sur le net. Interview...

Handicap.fr : Pourquoi avoir pris le parti, dans une situation tragique, de continuer à rire ?
Philippe Croizon : D'abord parce que c'est dans ma personnalité. Mais, attention, je ne ris pas de la situation mais de certains comportements humains qui m'ont semblé si absurdes que j'ai décidé de les détourner dans de courtes vidéos que je publie sur mes réseaux sociaux (en lien ci-dessous). L'humour, c'est un exécutoire et, sans ça, on est tous plombés à mort. Je donne juste un exemple ; après les attentats du Bataclan, les humoristes ont cessé de dessiner et une chape de plomb s'est abattue sur la France. Au bout de quinze jours, ils ont repris la plume et ont commencé à vanner les terroristes et ça a été une bouffée d'air. On s'est dit : "Si je rigole, cela veut dire que la vie continue, je peux redémarrer." L'humour est un outil de résilience puissant. Tout le monde sait qu'on est en train de vivre un moment dramatique au niveau mondial mais on a besoin de ces petites pauses de respiration. Il y a pas mal de pépites qui circulent sur le Net et, dans cette phase pesante de confinement, ce sont de précieuses soupapes.

H.fr : Des exemples de gags que vous avez mis en ligne ?
PC : Je critique, face caméra, ceux qui se ruent sur les marchandises et on me voit ensuite sur le parking d'un supermarché avec un wagonnet de caddies accroché à mon fauteuil roulant.  Et puis il y a ceux qui veulent louer des chiens pour se promener, ou appellent la SPA pour adopter un chien pour une heure ou deux. Ça me rend dingue... Alors, dans une autre vidéo, je demande à ma compagne, Suzana, de prendre une laisse pour aller me promener.

H.fr : Le dernier en date "Vous savez, j'ai le bras long…" ironise sur les rumeurs.
PC : Oui car certaines personnes prennent pour argent comptant toutes les fakes news qui circulent sur les réseaux sociaux. Je trouve ça tellement dingue que j'ai décidé de révéler ma propre rumeur. Je prends un ton hyper solennel et commence à dévoiler mes sources, avant de partir en vrille : "C'est la femme du ministre qui a une copine qui travaille à la poste qui connaît la belle-sœur de la caissière qui a dit..."

H.fr : Combien de vidéos en ligne depuis le début du confinement il y a quinze jours ?
PC : Une tous les deux ou trois jours. C'est quand ça me vient, lorsque je regarde l'actu et que je vois un truc aberrant... La vanne vient assez automatiquement. L'idée, c'est vraiment de faire du bien aux gens.

H.fr : Et les retours sont positifs ?
PC : Le max que j'ai fait c'est six millions de vues pour le tweet sur les sous-titrages du discours d'Emmanuel Macron. Les téléspectateurs qui découvraient la vélotypie (système qui consiste à sous-titrer un discours en temps réel) se sont défoulés sur quelques bugs ; j'ai assumé en disant que c'était moi qui étais derrière le clavier. Sans mains, c'était forcément approximatif ! Et, pour la vidéo sur le lavage de mains, on doit être à quatre millions. Preuve que les gens ont vraiment besoin de sourire...

H.fr : Comment réagissent-ils ?
PC : Ils me disent : "Merci, ça fait du bien, continuez à nous faire des petits gags, ça égaille notre journée".

H.fr : A l'inverse, d'autres vous disent-ils que ce n'est pas le moment d'en rire ?
PC : Non, ce n'est pas arrivé. Mais, encore une fois, je ne me moque pas de la situation mais de certains comportements complément "ouf" ou trop décalés...

H.fr : Certains internautes vous suggèrent-ils des idées ?
PC : Certains m'ont dit : "On ne te voit pas applaudir à 20h". Mais je n'ai pas de vanne à faire sur ce sujet car c'est un truc qui est génial. Au contraire, il faudrait que je trouve une idée pour encourager le milieu hospitalier.

H.fr : Vous avez le moral ?
PC : Ah, oui, oui. Même si je ne sors pas, j'ai 52 ans, je suis dans la cible du virus et je n'ai pas envie de mourir tout de suite. Alors je deviens un ermite. Personne ne rentre à la maison au risque de se prendre un coup de fusil... Et, après seulement, je lui fais le test ! Et s'il n'avait pas le corona : "Oups, pardon ! ".

H.fr : Le premier truc que vous ferez en sortant de votre confinement...
PC : Rester confiné ! Parce que ça ne sera pas fini.

H.fr : Réponse insolite !
PC : Bah oui, je pense que je n'irai pas au contact des gens tout de suite. Le gouvernement va certainement déconfiner au fur et à mesure et je ne pense pas que les rassemblements publics seront autorisés tout de suite parce que le virus ne sera certainement pas éteint. La vague, heureusement aplanie, risque néanmoins de durer plusieurs semaines...

H.fr : Le 1er avril, avez-vous l'intention de faire des blagues ?
PC : En fait, j'ai peur des infos pourries qui pourraient circuler. Et, là, il ne faut pas déconner, on a besoin d'humour mais il faut être subtile et ne pas donner de faux espoirs...

Les commentaires sont fermés.