Ingénieur agronome, Solène Espitalié a fondé Solid’Agri. Une association qui emploie en CDI des personnes souffrant d’une déficience physique ou mentale et les met en relation avec des agriculteurs en quête de main-d’œuvre qualifiée.
Après six mois en tant que caissière dans un supermarché, j’ai accepté un poste dans un syndicat professionnel agricole à Avignon. Dans ces fonctions, je me suis aperçue que dans tous les cantons revenait la même problématique : le manque de main-d’œuvre. Notamment parce que le travail est physique et saisonnier. Dans le même temps, des personnes compétentes, mais handicapées, ne trouvent pas d’emploi.
Sensibilisée par ma mère, institutrice en milieu hospitalier, j’ai voulu me battre contre les discriminations dont sont victimes les personnes en situation de handicap et favoriser leur insertion socioprofessionnelle. Avec quelques agriculteurs, la Mutualité sociale agricole et d’autres partenaires, nous avons créé en 2008 Solid’Agri, entreprise sociale et solidaire, à Carpentras.
Aujourd’hui, l’association, présidée par l’agriculteur “durable” Wesley Van der Valk, compte douze personnes en CDI à temps complet, dont dix en situation de handicap (mental léger, surdité, infirmité liée à une maladie) – deux d’entre eux sont devenus chefs d’équipe –, et une centaine de clients.
Les employés commencent par suivre une formation de deux ans, puis enchaînent toute l’année différents travaux agricoles : plantations maraîchères, récolte de fruits et légumes, de safran, vendanges et taille des vignes, nettoyages de serres, élagage…
Et tous sont ravis de reprendre confiance en eux. Ils peuvent trouver un logement, passer le permis, acheter une voiture… Bref, devenir autonomes… Et ils travaillent en pleine nature, souvent dans un environnement magnifique. Les clients, eux, sont contents et refont appel à nous chaque année.
Quant à moi, je suis enchantée de bosser avec mes “gars”. Ils ont des super compétences et ont toujours le sourire. En résumé, ce sont des salariés géniaux ! D’ailleurs la plupart de nos idées viennent d’eux !
Aujourd’hui, nous élargissons nos activités pour faire face à la saisonnalité des tâches : nous avons créé un jardin thérapeutique dans un établissement pour personnes âgées, afin de favoriser le lien intergénérationnel. Nous proposons aussi nos services aux particuliers qui cherchent à faire entretenir leurs lopins de terre… À terme, nous souhaiterions récupérer les fruits et légumes déclassés pour les redistribuer à des épiceries solidaires et à des centres d’action sociale…
Hélas, l’autonomie financière de l’entreprise n’est pas encore totalement acquise, et nous cherchons des locaux plus grands pour nous installer. Nous souhaitons aussi nous développer dans d’autres régions, notamment dans les Pyrénées et en Ile-de-France, pour faire connaître notre devise : “Cultivons le champ des possibles !” »
Source : France Dimanche