Les paralysés de France vont porter plainte contre des enseignes emblématiques»

 

 

INTERVIEW L'Association des paralysés de France (APF) en a marre de se montrer patiente, prévient Nicolas Mérille, son conseiller à l'accessibilité...

 

Illustration fauteuil roulant.Illustration fauteuil roulant. - Jean-Philippe Ksiazek afp.com

Propos recueillis par Céline Boff

La date butoir est passée. Depuis le 27 septembre, les établissements recevant du public, qu’ils soient privés (médecin, commerçant...) ou publics (mairie, poste...), doivent être accessibles aux personnes handicapées ou avoir déposé leurs programmes de travaux pour le devenir. 20 Minutes fait le point avec Nicolas Mérille, de l’Association des paralysés de France (APF).

Combien d’établissements ont-ils déposé leur programme de travaux ?

Nous ne le savons pas. La délégation ministérielle à l’accessibilité doit nous communiquer ce chiffre dans les prochaines semaines. D’après le ministère des Affaires sociales, la France compterait un million d’établissements recevant du public (ERP), dont 300.000 seraient accessibles. Mais nous doutons de la véracité de ce chiffre, qui ne s’appuie sur aucun contrôle.

Quelles actions allez-vous mener ?

A partir de ce jeudi 1er octobre, chaque citoyen peut porter plainte contre un ERP n’ayant ni effectué de travaux d’accessibilité, ni déposé un dossier. La sanction prévue est une amende pouvant aller jusqu’à 45.000 euros pour un particulier et 225.000 euros pour une personne morale. Pour aider les citoyens à déposer plainte, nous publions un guide recensant neuf modèles de lettre type. L’APF compte également déposer en son nom plusieurs plaintes.

Contre quels établissements ?

Nous ne viserons pas des petits commerçants mais des enseignes emblématiques. Nous avons dans le viseur des complexes de cinéma, des chaînes de restaurant, des agences bancaires et des collectivités de plus de 50.000 habitants. Mais nous devons vérifier nos informations avant de les attaquer. Nous n’avons pas les moyens de déposer des milliers de plaintes, mais nous en déposerons une demi-douzaine d’ici à la fin de l’année.

Le syndicat de médecins MG France demande un moratoire sur l’accessibilité des cabinets, mettant en avant la fragilité économique des généralistes. Le comprenez-vous ?

Non et nous sommes furieux. La démarche de ce syndicat est abjecte. D’abord parce qu’il appelle ses adhérents à ne pas respecter la loi sur l’accessibilité alors qu’elle vise le public ayant le plus besoin de soins – le taux de prévalence du cancer du sein chez les femmes handicapées est par exemple deux fois supérieur au reste de la population. Ce n’est plus le serment d’Hippocrate, mais le serment des hypocrites ! Ensuite, MG France fait preuve de malhonnêteté en expliquant à ses adhérents que l’Etat veut les forcer à tout prix à devenir accessibles. C’est complètement faux puisqu’il existe des dérogations, notamment pour motif économique. Soyons clairs : si un gestionnaire n’a pas les moyens d’effectuer les travaux de mise en accessibilité de son bâtiment, il lui suffit de le justifier pour ne pas les réaliser.

Les petits commerçants s’inquiètent également…

L’APF a toujours été très claire : il est hors de question que des commerces mettent la clef sous la porte pour des questions d’accessibilité. Si nous nous montrons intraitables concernant le neuf, nous faisons preuve de pragmatisme pour l’ancien. Nous ne demandons pas à ce que tous les commerçants ou médecins deviennent accessibles, mais à ce que tous étudient la possibilité de le devenir. Comme je l’ai dit, des dérogations existent. Si un bâtiment ne peut pas être transformé pour des questions architecturales, patrimoniales ou économiques, il ne le sera pas.

Vous avez l’air particulièrement remontés…

Oui, nous le sommes. Planifiée dans la loi du 11 février 2005, l’accessibilité des lieux publics devait être opérationnelle le 1er janvier dernier. Or, en dix ans, pratiquement rien n’a changé et les délais sont encore repoussés. Ce qui était évident puisqu’aucune mesure budgétaire ni incitation fiscale n’a été mise en œuvre pour favoriser la transition. Résultat : nous en sommes à deux lois inappliquées en 40 ans. Est-ce normal que la majorité des bâtiments de la sixième puissance économique mondiale ne soient toujours pas accessibles à l’ensemble de la population ?

 

source 20 minutes

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